Emmanuele M.M De Roman
Entretien

Emmanuele M.M De Roman : un parcours à l’intersection de la mode, des arts et de la recherche 

Emmanuele M.M De Roman est docteure en arts et sciences de l’art. Après un parcours universitaire et professionnel dans le milieu de la mode, elle a entamé un parcours doctoral à l’École doctorale Arts plastiques, esthétique & sciences de l'art (APESA) à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. 

Emmanuele M.M De Roman a soutenu sa thèse cette année et organisé à cette occasion un défilé à l’Institut du Monde Arabe où elle a présenté une collection-laboratoire qui conjugue savoir-faire mexicains, procédés artisanaux et biomatériaux pour esquisser une couture régénérative, sensible et située.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours universitaire ?   

Emmanuele M.M De Roman : Ce parcours universitaire s’est construit à l’intersection de la mode, des arts et de la recherche scientifique et il a surtout été guidé par une passion : relier la mode et les arts.  

J’ai commencé par des études de création et de design de mode en France, puis à Tokyo j’ai travaillé 14 ans dans la mode et la création. Au fil des années, j’ai ressenti le besoin d’aller plus loin. C’est au Mexique, en sus de la création d’un institut d’études supérieures de mode (IESModa) avec une maîtrise en sciences de l’éducation, que j’ai commencé à réfléchir à la manière dont on enseigne et transmet cette discipline. C’est ce qui m’a conduit à entreprendre un doctorat en arts et sciences de l’art à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, que j’ai soutenu le 11 juin dernier. 

J’explore comment la mode peut être enseignée autrement, de façon plus créative, responsable et connectée aux pratiques artistiques. C’est donc à la fois un parcours de créateur et de chercheur, qui croit que la mode peut transformer notre manière d’apprendre et de vivre ensemble. 

Sur quoi portent vos travaux de recherche  ?   

Emmanuele M.M De Roman : Mes recherches s’intéressent à l’enseignement de la mode responsable, à travers les démarches artistiques et la pédagogie de projet. J’explore comment l’intégration de processus créatifs, inspirés des arts, peut transformer la formation en mode et comment l’enseignement de la mode peut devenir une expérience vivante, éthique et innovante, où les étudiants découvrent leurs talents tout en imaginant de nouvelles façons de créer. 

Emmanuele M.M De Roman
Emmanuele M.M De Roman

Votre thèse associe la recherche et la création. Comment articulez-vous ces deux démarches, artistique et scientifique ? 

Emmanuele M.M De Roman : À mon sens, la recherche et la création se complètent. La recherche donne des outils pour comprendre et penser la mode, la création invite à explorer, ressentir et imaginer. Quand elle se rencontrent, elles ouvrent un espace fertile : inventer et à la fois réfléchir, créer en questionnant et questionner en créant. C’est cette double dynamique qui fait de la recherche un immense processus créatif vivant. 

Vous êtes désormais docteure en arts et sciences de l’art et avez réalisé une soutenance de thèse à l’Institut du Monde Arabe en juin dernier. Pouvez-vous nous en dire un peu plus  ?  

Emmanuele M.M De Roman : En juin, j’ai eu la joie de soutenir cette thèse à l’Institut du Monde Arabe, grâce à Philippe Castro, Directeur de cabinet de la Présidence de l’Institut du Monde Arabe, un lieu symbolique où se rencontrent culture, arts et savoirs. Réaliser la soutenance dans une institution culturelle majeure a permis de mettre justement en dialogue recherche, création et société. 

Emmanuele M.M De Roman

Qu’envisagez-vous pour la suite, quels sont vos projets  ?   

Emmanuele M.M De Roman : La soutenance ne semble pas être une fin mais un point de départ. Mes projets s’orientent vers le développement de la recherche-création et de la pédagogie de projet au sein de l’IESModa, en lien avec des collaborations internationales. Je travaille également au lancement d’une revue scientifique de mode, « Animaterra Singularis », et à la mise en place de programmes innovants intégrant bien-être, durabilité et créativité. 

L’objectif est de continuer à relier recherche, transmission et innovation dans le champ de la mode responsable et ouvrir des chemins où la mode inspire, transforme et rassemble les personnes. 

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un doctorant ou une doctorante qui souhaiterait réaliser un projet de recherche à l’École doctorale APESA ? 

Emmanuele M.M De Roman : À tout doctorant, peut-être lui conseiller de considérer sa recherche comme une chemin de transformation. Il est essentiel d’articuler rigueur scientifique et ouverture créative, de cultiver curiosité et persévérance. Un projet doctoral gagne à être nourri de collaborations, d’échanges interdisciplinaires et d’une vision claire de sa contribution au monde. C’est un long voyage initiatique, exigeant mais incroyablement riche. Une aventure personnelle et collective ; on en sort transformé. 

Focus sur le défilé d’IESMODA à l’Institut du Monde Arabe 

Une Haute Couture responsable : de la Moda Povera aux biotextiles d’algues

Présenté le 11 juin 2025 à l’Institut du monde arabe, le défilé d’IESMODA s’inscrit dans le cadre de la soutenance doctorale d’Emmanuele M.M De Roman. Il met en scène une collection-manifeste où la création devient recherche appliquée : matériaux responsables, gestes de réparation, techniques artisanales et collaborations artistiques forment un vocabulaire de mode régénérative.

Un récit de matières et de gestes 

Les 31 looks articulent des procédés rares, tissages et teintures naturelles et des innovations comme des biotextiles d’algues et charbon actif ou des pièces en algues tricotées. Le registre Moda Povera affleure dans l’usage de laines chamulas et d’un métier à tisser improvisé à partir de branches d’arbre tombé, tandis que des accessoires en papier mâché (colliers, axolotl) et en fil de cuivre/fil de fer (valises, chariot) prolongent l’esthétique du réemploi.

La force du collectif 

La collection est traversée par des interventions d’artistes invité·e·s, et par le travail d’artisans et designers. Certaines silhouettes reprennent des archétypes mexicains (huipil, enredo) en les transposant via des imprimés numériques et la technique « sellador » de Gustavo Lins.

Un cadre académique, une scène internationale 

Devant un public mêlant jury, créateurs et critiques (parmi lesquels Diane Pernet, Isabel Marant, Maurizio Galante, Tal Lancman), le défilé affirme une pédagogie par le projet où l’expérimentation est centrale : détourner, déconstruire, plisser, tisser, teindre, mais aussi documenter, co-créer, transmettre.

Emmanuele M.M De Roman
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Emmanuele M.M De Roman

À propos de la thèse d'Emmanuele M.M De Roman : Intitulé de la thèse : "Arts et mode : processus de création artistique et transmission autour de l'idée de projet". Laboratoire de rattachement : Institut ACTE. École doctorale de rattachement : École doctorale Arts plastiques, esthétique & sciences de l'art. Directeurs de thèse : Sandrine Morsillo, professeure en arts plastiques à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Jorge Garcia.  

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Crédits principaux : 
Direction créative et pédagogie : IESMODA. Création des looks : étudiant·e·s IESMODA (Valeria Guzmán, Ana María Antonio, Rosa María Quintino, Mariana Barbosa, Alejandro Hernández, Paloma Vargas, Edrei Alcaraz, etc.). Interventions artistiques : Anand Sagar, Lola Argemí, Luci García, Carmen Mendoza, Edmundo Mata, Alessandra Sa. Biotextiles : María José Benítez (Muntanya Lab). Teintures naturelles : Paulina Tejeda. Accessoires papier mâché : Daniel Marcial. Accessoires fil : Uriel Montero.